Brebis et Berger.

21 Juillet 2024.
16ème dimanche du Temps Ordinaire — Année B.

Lectures : Jr 23,1-6 ; Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6; Ep 2, 13-18 ; Mc 6, 30-34. 

« Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger... » (Mc 6, 34)

Un proverbe Hindi dit : « Dieu prend soin de la vache aveugle. » Un proverbe Roumain ajoute : « Un bon berger doit tondre ses brebis, pas les écorcher. »

La relation entre les brebis et les bergers est l'une des images couramment utilisées dans les Écritures pour décrire la relation de Dieu avec son peuple. Il s’agit normalement d’une connaissance intime et de confiance. Les bergers sont responsables des soins et de la sécurité de leurs brebis, qui sont des animaux sans défense qui ne peuvent survivre de manière autonome. En retour, les brebis apprennent à reconnaître la voix de leur berger et à les suivre. Trois mots principaux naissent de cette relation : soin, confiance et obéissance. Le berger se soucie (prend soin). Les brebis ont confiance, et grâce à leur confiance, elles lui obéissent. Lorsque les soins font défaut, la confiance disparaît également et, par conséquent, les brebis se dispersent.

Dans les Écritures, le Seigneur est le véritable berger qui non seulement prend soin de son peuple, mais qui le connaît également, chacun par son nom. Pour prendre soin de son peuple, le Seigneur a nommé (établi) des bergers. Mais ces bergers ne se souciaient pas vraiment des brebis. Ils se préoccupaient plutôt de leurs intérêts personnels. En conséquence, le troupeau était en désordre et manquait de direction.

Dans la première lecture d'aujourd'hui, nous entendons ce que le Seigneur dit par l'intermédiaire du prophète Jérémie à propos de ceux qu'il a nommés bergers. Il les accuse d'abord d'avoir égaré son peuple : « Quel malheur pour vous, pasteurs ! Vous laissez périr et vous dispersez les brebis de mon pâturage… » Et parce qu'ils n'ont pas bien rempli et avec conscience de leur devoir, le Seigneur assure : « je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai chassées... » Il va plus loin : « Je susciterai pour elles des pasteurs qui les conduiront ; elles ne seront plus apeurées ni effrayées, et aucune ne sera perdue. »

En écho à cette prophétie, le Psalmiste nous invite à chanter : « Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer. » Le Psaume 22 est un chant édifiant et encourageant pour tous ceux qui traversent des épreuves et des tribulations, pour tous ceux qui s’égarent ou sont induits en erreur. Nous sommes exhortés à trouver refuge auprès du Seigneur. Il est le seul vrai et juste berger qui prend vraiment soin de nous. Non seulement il connaît chacun de nous, mais il nous conduit également vers le pâturage juste et sûr où nos besoins peuvent trouver des réponses.

Le Seigneur Jésus, dans l'Évangile, témoigne de la sollicitude du bon pasteur. Il vit les gens, la foule immense qui le suivait. Il ressentait leurs besoins, « parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger… » Son cœur était ému de compassion (pitié) pour eux.

Le contexte de l'extrait d'aujourd'hui de l'Évangile de Marc est très intéressant. Les Apôtres reviennent de leur première mission apostolique. Ils étaient fatigués mais aussi remplis de joie pour tout ce qu’ils avaient été capables de faire. Jésus ressentait également leur besoin d'un moment de rafraîchissement et de recharge. Alors, il les a invités à se retirer seuls, un temps pour eux et lui seul. Néanmoins, les gens les aperçurent. Comme c'est un peuple assoiffé de Dieu et de bonne nouvelle, ils les suivent, et Marc mentionne même qu'ils sont arrivés sur place avant Jésus et ses disciples. Cela enseigne comment nos besoins de Dieu doivent nous pousser au-delà des limites et surmonter tous les obstacles. Et Jésus ne pouvait rester indifférent à eux et à leurs besoins. Alors sa compassion s’est accrue et il a mis de côté tous ses projets antérieurs pour lui et ses apôtres. « Alors, il se mit à les enseigner longuement. » Et dimanche prochain, on entendra même qu'il est allé au-delà de l'enseignement et du partage de la parole. Il comblera également leur besoin humain de pain. C’est ce que fait le bon berger : compassion, attention, sollicitude et abnégation pour ses brebis.

En tant que chefs de famille, serviteurs sociaux et dirigeants de communautés, en tant que pasteurs du peuple de Dieu, laissons-nous facilement nos cœurs être touchés par la pitié et la compassion ? Faisons-nous nôtres les besoins de notre peuple au point de mettre de côté nos agendas et intérêts personnels ?

Malheureusement, c’est le contraire que nous constatons le plus dans nos sociétés aujourd’hui. Les personnes en position et en possession d’autorité aiment être servies plutôt que de servir. Nous jouons souvent les aveugles, les sourds et les muets devant la souffrance des pauvres. L'indifférence associée à l'individualisme sont ce que nous apprécions davantage. Nous vivons dans des sociétés hyper-classifiées et divisées. Les riches sont dans des quartiers huppés et les pauvres dans des squatters. Les riches s'enferment dans des condominiums avec le ciel pour seul voisin pour n'avoir rien à faire avec les autres.

Les lectures d’aujourd’hui sonnent comme un défi visant à abattre toutes nos divisions. Comme le dit Paul, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité. Ainsi, nous devrions devenir de véritables voisins et frères les uns pour les autres. Et nous, pasteurs et dirigeants, devrions exprimer davantage notre proximité avec tous, pour devenir véritablement des « bergers avec l'odeur de brebis », c'est-à-dire des bergers qui partagent la vie des pauvres et invitent les riches à tendre la main avec charité et bonté et véritable amour pour eux. Nous ne sommes pas prêtres et pasteurs uniquement pour ceux qui nous donnent tout ce dont nous avons besoin. Nous sommes aussi prêtres et pasteurs pour donner aux pauvres ce dont ils ont besoin. J'aime utiliser l'image d'un prêtre aux deux mains tendues. On reçoit de l'un, on donne avec l'autre. Notre mission est d'être le pont de l'amour et de la bénédiction de Dieu des riches vers les pauvres. Si nous ne le faisons pas, la condamnation de la première lecture s’applique à nous : « Quel malheur pour vous, pasteurs ! Vous laissez périr et vous dispersez les brebis de mon pâturage… »

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