La Cendre, Signe du Néant de l'Homme.

17 FÉVRIER 2021
Mercredi des Cendres — B

LECTUREs: Jl 2, 12-18; Ps 50 (51), 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17; 2 Co 5, 20 – 6, 2; Mt 6, 1-6.16-18.

Un proverbe Sicilien dit : « La repentance lave le péché. » Un proverbe Suédois ajoute : « Cendres en cendres, poussière en poussière, si le Seigneur ne vous comprend pas, le diable doit le faire. »

Du néant au néant, de la poussière à la poussière, de la cendre à la cendre, tel est le profond symbolique que cache le rite de l'imposition des cendres qui nous ouvre au temps du Carême Chrétien. À compter de ce jour, le peuple chrétien de dénomination Catholique Romaine est embarqué pour un voyage de quarante jours qui se clôturera avec la célébration du mystère de la Passion, Mort et Résurrection de notre Seigneur Jésus. Le Carême, comme l'a si bien mentionné le Saint Père François dans son message de cette année est un temps d'ascension, une montée vers la montagne de Pâques. « Voici que nous montons à Jérusalem… » (Mt 20, 18). Tout comme Jésus invita ses disciples à marcher avec lui montant vers la ville Sainte, ainsi entamons-nous nous aussi cette montée vers la montagne de notre Salut, le Golgotha où le Seigneur donnera sa vie pour nous. C’est une marche animée par les vertus de la foi, l’espérance et la charité et rendue actuelle dans les exercices de la prière, du jeûne et de l’aumône.  

Un élément clé de cette montée vers la Pâques du Seigneur est celui de la conversion. Ceci nous pousse à axer notre méditation sur la réalité de la cendre et son importance pour nous. Une parole accompagne et marque le rite de l'imposition des cendres, “Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière”. Cette première parole donne sens à cette autre : “Convertis- toi et crois à l’Évangile”. Du fait que nous sommes cendre et qu'à la cendre nous retournerons, nous n'avons d'autre obligation que celle du changement qualitatif et catégorique de notre vie. La conversion est une exigence et une nécessité dans notre relation avec Dieu. Pour nous chrétiens, l’imposition des cendres est avant tout, un rite pénitentiel. A travers ce rite, nous sommes invités à être plus attentifs à la Parole de Dieu, à mieux aimer Dieu et le prochain, à reconnaître nos fautes et à faire pénitence par des privations. Cette l'ensemble de toutes ces attitudes que l'on appelle "Conversion“, autrement dit un “Changement de cap !”.

Dans la vie, l'on change de cap face à une situation seulement lorsque l'on prend conscience de qui on est, d'où on vient et où on va. Celui qui ne sait pas là où une route le conduit ne peut parler de déviation ni de demi-tour.

La Cendre est signe extérieur de repentit, marque de quelqu'un qui ayant pris conscience de son néant décide de s'humilier et d'amender sa conduite. Dans les Saintes Écritures, la cendre parle un langage très fort. Déjà dans le livre de la Genèse, cendre et poussière prennent un même sens. Dieu nous a tiré de la poussière de la terre. On y retrouve dès lors l'idée de « tu es poussière et tu retournera en poussière ». A Adam et Eve après leur désobéissance, Dieu pour les bannir du jardin les renvoie vers la terre, idée de poussière vers la poussière (Gn 3,19).

Avec le prophète Jérémie, la Cendre prend le sens de signe de deuil et de repentance. On lit par exemple en Jer 6,26 : « Fille de mon peuple, couvre-toi d’un sac et roule-toi dans la cendre, prends le deuil comme pour un fils unique, verse des larmes, des larmes amères ! » Cette même idée traverse Jer 25,34 et exprime le regret, et la peine pour les actes posés. En Daniel 9,3, il est question de jeûne et de cendre. La plus éloquente expression vient du livre du prophète Jonas avec le peuple de Ninive. Jonas 3,6. Nous lisons qu'après l'annonce du prophète, « La chose parvint au roi de Ninive ; il se leva de son trône, ôta son manteau, se couvrit d'un sac, et s'assit sur la cendre. » Abaissement, humiliation, regret, en vue de la conversion et du pardon. La cendre de ce fait exprime et résume le message du Carême. C'est le temps d'aller à nos sources, de remonter aux origines.

L'homme n'est que cendre... Avec la pandémie actuelle de la COVID-19, ce langage n'est plus un mythe pour personne. Combien de nos êtres chers ont été incinérés et ne laissant qu'un bocal comme leurs restes. Des personnes de 75 à 100kilo sont réduites en une urne qu'un enfant de 6ans peut transporter tout seul. De cette situation, une leçon pour tous, nos biens et possessions matériels sont du néant devant la réalité de la mort. Comme quelqu'un disait, "la vie n'est rien. Seule la mort vaut quelque chose, et elle coûte la vie." De ce fait, le Carême sonne le message fort de se dessaisir de soi et de tout ce qui nous entoure pour ne nous attacher qu’à Dieu. Puisque nous sommes cendre, saisissons donc ce temps pour nous convertir et retourner à la source de toute vie, Dieu notre Créateur. Voici donc le temps de la véritable montée spirituelle vers Dieu. Puisse nos privations de ce temps, notre jeûne, nos prières et notre aumône nous ouvrir à servir Dieu dans nos frères et sœurs les plus besogneux.

Comme actions pratiques pour ce Carême, nous appuyant sur le message du Pape François, faisons de notre sacrifice quaresimal de cette année un temps pour apprendre à dire la vérité et à vivre dans la vérité. Jeûnons comme un chemin pour apprendre « à accueillir la Vérité et à en devenir des témoins », devant Dieu et les hommes. Pratiquons le Jeûne comme moyen pour « libérer notre existence de tout ce qui l’encombre, même de ce trop-plein d’informations, vraies ou fausses, et de produits de consommation pour ouvrir la porte de notre cœur à celui qui vient jusqu’à nous, pauvre de tout mais « plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14) : le Fils du Dieu Sauveur. » Pratiquons le jeûne comme chemin vers une espérance vive. Puisse notre jeûne et nos privations nous ouvrir à la charité, ultime expression de foi et d’espérance. Et enfin, avec et à travers nos sacrifices offrons « avec notre aumône un message de confiance » aux nécessiteux, leur disant qu’ils ne sont pas oubliés de Dieu et de la société.

Enfin cette voix qui retentit pour vous et moi : « Maintenant – oracle du Seigneur – revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment » (Jl 2, 12-13). Alors terminons avec ce proverbe Chinois : « Chaque type de bois est gris quand il est réduit en cendres. »

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