Correction Fraternelle ou la Dette d'Amour.
6 SEPTEMBRE 2020
23ème dimanche du Temps Ordinaire — Année A
LECTUREs: Ez 33, 7-9; Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9; Rm 13, 8-10; Mt 18, 15-20.
Un proverbe Ethiopien
dit : « La personne qui a grandi sans correction verra sa bouche glisser
au lieu de son pied. » Un proverbe Danois ajoute : « La correction est
bonne lorsqu'elle est administrée à temps et avec amour. »
« Si tu n’avertis
pas le méchant, c’est à toi que je demanderai compte de son sang » S'il y a un
bel exercice spirituel et humain qui pourrait être l'expression d'un véritable
amour, ce n'est autre que la correction fraternelle. Par définition, la
correction fraternelle ou spirituelle consiste à avertir son prochain dans le
but de le réformer ou, si possible, d'empêcher sa complaisance pécheresse.
Saint Thomas d'Aquin pose les bases morales de cet exercice. Il enseigne que
par la foi et à cause de notre appartenance au Christ, nous avons l'obligation
morale de nous corriger les uns les autres. Il dit : « reprendre un fautif,
c'est lui faire une espèce d'aumône spirituelle. Et l'aumône, avons-nous dit,
est un acte de la charité. Donc la correction fraternelle est aussi un acte de
la charité. » (The Summa Theologiæ, II-II : 33 : 1). Pour le ‘Docteur Angélique’,
nous avons l'obligation de dire la vérité quand quelqu'un se trompe. Se taire
devant le péché évident ou la faute de son frère, c'est se rendre participant
et coresponsable de ce péché et coupable avec le pécheur.
Dans la vie
chrétienne, le silence devant le mal est un paroxysme de culpabilité qui mérite
d'être puni. Car celui qui aime exprime son amour en corrigeant et en aidant le
pécheur à éviter ou à sortir des pièges du mal.
La liturgie de ce
23ème dimanche du temps ordinaire A est une belle catéchèse sur l'exercice de
la correction spirituelle et fraternelle. Dans la première lecture, le Seigneur
explique clairement au prophète Ézékiel. Il est instruit de son obligation
d'avertir les pécheurs de leurs péchés. Tout comme le prophète, le Seigneur a
désigné chacun de nous comme sentinelle de nos frères et sœurs. Nous avons donc
le devoir de leur dire la vérité et de nous exhorter mutuellement à la
repentance. Devant Dieu, nous sommes responsables de la vie ou de la mort de
l’autre.
Saint Paul, en
deuxième lecture, insistera sur cette responsabilité en la qualifiant de dette.
L'Apôtre des Gentils dit aux Romains : « Frères et sœurs, n’ayez de dette envers
personne, sauf celle de l’amour mutuel. » Comme le dit l'apôtre, nous devons
nous efforcer d'éviter toute autre dette envers les autres, mais une seule
devrait être notre obligation, la dette de l'amour. Et Paul donne la raison, « car
celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi. » Les mots ici ont
toutes leurs significations et leur force. L'amour les uns pour les autres est
une obligation, et non pas une option. Lorsque nous nous acquittons de cette
obligation, nous avons rempli toutes les autres obligations de la loi. L'amour
est le résumé de tout et la réponse ou la solution à tous.
L'amour, frères
et sœurs, nous met dans une obligation divine de nous dire la vérité les uns les
autres. L'amour nous oblige à nous alerter les uns les autres lorsque nous
péchons. Quand il y a de l'amour, il n'y a pas de peur à dire la vérité. Car,
cela se fait avec charité et pour aider.
L'Évangile vient
couronner l'enseignement sur l'amour fraternel. Le Seigneur Jésus enseigne à
ses disciples en quoi consiste la correction fraternelle et comment elle doit
être donnée, les étapes à suivre. La correction fraternelle, comme tout autre
exercice spirituel, obéit à certaines règles, principalement trois étapes :
Premièrement, cela doit être un exercice interpersonnel et individuel. D’où le
Seigneur dit : « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des
reproches seul à seul. » Lorsque la première phase échoue, la deuxième étape
consiste à appeler un témoin. Si cette deuxième étape échoue, alors vient la
troisième, portez l'affaire devant l'Église. Et puis, si cette troisième
tentative s'avère infructueuse, il ne reste plus qu'à renvoyer le frère
impénitent, considérez-le comme un païen.
L'enseignement de
Jésus sur la correction fraternelle révèle la triple dimension du péché. Le
péché est d'abord une affaire privée et individuelle ou interpersonnelle. Mais ensuite,
cela peut concerner un ou deux autres personnes avant de devenir une affaire
communautaire. A ce propos, St. Thomas d’Aquin souligne : « un péché
peut être envisagé sous deux aspects : comme un acte nuisible à celui qui le
commet ; et comme un préjudice porté aux autres, qu'il lèse ou scandalise, et
même au bien commun dont le bon ordre s'en trouve troublé. » Ainsi, le
Seigneur nous enseigne comment exercer la discipline dans l'Église en tant que
communauté de frères et sœurs, rassemblés et unis par un même amour.
Il est triste de
voir que, très souvent, beaucoup de gens oublient ou ne prennent pas au sérieux
leurs obligations envers leurs frères et sœurs. Bien que nous nous appelions
frère et sœur et que nous chantions l'amour, nous ne nous disons pas la vérité.
Nous vivons dans l'hypocrisie. Nous voyons et savons ce que font les autres et
à quel point leurs actions sont mauvaises, mais ensuite, par peur ou par
égoïsme, nous ne leur en parlons pas afin de les aider à amender leur vie. Ce
n'est que lorsque le pire arrive, que nous réagissons, affirmant que nous en avions
connaissance.
J'ai entendu un
jour la triste histoire d'un ancien séminariste, et cela est courant dans les
maisons de formation. C'était un très bon jeune homme, convaincu de sa vocation
et très disposé à devenir prêtre. Il fut cependant séduit par une jeune fille
qui avait l’habitude de visiter le séminaire. Les compagnons du garçon étaient
au courant, mais aucun d'entre eux ne lui a parlé du risque pour sa vocation,
ni n'a demandé l'aide des formateurs. Au contraire, certains l'ont même
encouragé, en couvrant ses sorties nocturnes de la maison et ses absences
pendant les activités. Malheureusement, le moment vint où le garçon ne pouvait
plus se cacher et a décidé de partir. Ce n'est qu'après qu’il ait quitté le
séminaire que ses compagnons, un à un, ont commencé à révéler l'affaire et à
avouer qu'ils en savaient tout. Néanmoins, ils n'ont rien fait pour aider celui
qu'ils appelaient leur frère. Un signe palpable qu’il n’y avait pas d’amour
fraternel sincère entre eux, sinon, ils auraient aidé le camarade à sauver sa
vocation.
La correction
fraternelle est la dette que nous avons les uns pour les autres par amour et en
raison de notre appartenance commune au Christ. Grâce à elle, nous apprenons
que le véritable amour n'est pas égoïste. Par conséquent, aimer signifie ne pas
se chercher soi-même, mais plutôt le bien de celui que l'on aime. L'amour
sincère est la vertu la plus altruiste.
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