Un Appel au Pardon et à La Miséricorde.

17 SEPTEMBRE 2023.
Dimanche, 24ème Semaine du Temps Ordinaire — Année A.

Lectures : Si27, 30 – 28, 7 ; Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 9-10, 11-12 ; Rm 14, 7-9 ;Mt 18, 21-35.

« Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » Mt 18,21

Un proverbe Albanais dit : « Chaque fois que vous pardonnez à un homme, vous l’affaiblissez et vous vous fortifiez. » Et un proverbe Agni ajoute : « Ceux qui ne pardonnent pas brisent le pont sur lequel ils doivent passer. »

"Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé." Dans cette phrase qui nous est très familière, nous pouvons trouver le fil conducteur de notre réflexion dans la liturgie d’aujourd’hui. Il s’agit avant tout de pardonner, d’être miséricordieux et en retour, de mériter le pardon. Le livre du Siracide au chapitre 28 et le Psaume 102 peuvent s'accorder pour chanter : « Bénis le Seigneur, ô mon âme, n'oublie aucun de ses bienfaits ! Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie… »

Le pardon est l'un des plus grands actes d'amour. Il s’agit de lâcher prise et de donner par amour aux autres, même si cela nous coûte. En ce sens, quelqu’un a dit, pardonner coûte de l’amour, mais le manque de pardon coûte la vie. Et cela est vrai. Il en coûte un grand amour de pardonner aux autres. Celui qui n'aime pas garde dans son cœur les peines et les fautes qui lui sont faites et les serre fort dans ses bras. Mais celui qui aime se délivre en lâchant prise et vit ainsi libre.

Deux mots grecs sont utilisés dans le Nouveau Testament pour désigner le pardon. L’un est le mot "CHARIDZOMAI" et l’autre est "APHIEMI". Et l’utilisation que Dieu fait de ces mots est parfaitement conçue pour s’appliquer au défi humain du pardon.

Le mot "CHARIDZOMAI" vient de la racine CHARIS, qui signifie grâce (Éphésiens 4, 31-32). Il s’agit d’être aimable. Ainsi, l’idée du pardon ici consiste à annuler une dette, à faire grâce. À travers l’autre mot, dans "APHIEMI", on perçoit davantage la dimension du lâcher prise et de l’oubli. Pardonner doit conduire à lâcher prise, à oublier. Avec "APHIEMI", on nous rappelle que lorsque nous pardonnons à quelqu’un, nous le laissons partir. Nous n’allons pas en reparler.

Il y a une plus grande vérité derrière chaque acte de pardon. Autrement dit, lorsque vous pardonnez aux gens, vous ne leur pardonnez pas en réalité, mais bien plus, vous vous pardonnez à vous-même. Vous abandonnez la lourde charge de colère et d’irritation qui empoisonne votre vie et vous rend malheureux. Vous vous accordez un bonheur parfait qui ignore le chagrin. Vous êtes le premier bénéficiaire de tout acte de pardon et de tout ce que vous faites dans le sens de l’amour. Parce que le pardon est une médecine à double effet. C'est une pilule que vous donnez aux autres mais qui, bien qu'avalée par un autre, vous guérit également.

Lorsque nous prions le Notre Père, nous évoquons une dimension intrinsèque du pardon : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé. » Ce n’est pas que nous posons une condition au pardon de Dieu mais nous nous disons indirectement que lorsque nous échouons ou refusons de pardonner les offenses des autres, nous rendons nul ou inutile le pardon que nous avons reçu de Dieu. Dieu nous pardonne, afin que nous puissions, nous aussi, avoir le courage et la force nécessaires pour pardonner aux autres. Ainsi, l'étymologie du mot, du Latin Perdonare « concéder, accorder » issu lui-même de Donare avec valeur intensive du préfixe Per : DONNER POUR. Pardonner, c’est donner pour le bien des autres et de soi-même. En termes simples, c'est être aimable, concede par amour.

Sira le Sage, en première lecture, en fait un avertissement autant qu'une exhortation. « Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis. » Beaucoup de gens, et éventuellement des chrétiens et de bons pratiquants, ne pardonnent pas. Alors qu’ils implorent le Seigneur et font de grands actes de pénitence, de jeûne et d’autres choses pour que leurs propres péchés soient pardonnés, ils refusent de s’ouvrir à la grâce de pardonner aux autres. Ils nourrissent la haine et la colère contre ceux qui pèchent contre eux. Sira leur dit : « Rancune et colère, voilà des choses abominables où le pécheur est passé maître... » Pourquoi alors s'enfermer dans ce qui est odieux ? Pourquoi ne vous libérez-vous pas en pardonnant et en lâchant prise ? « Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison ? » Tu es un pécheur comme ton frère. Veux-tu que le Seigneur te pardonne ? Alors apprends aussi à pardonner la faute de ton prochain. Libère ton frère ou ta sœur de la prison de ta colère et de ta rage, et alors tu seras également libre.

Dans l'Évangile, une question de Pierre : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » C’est comme si c’était vous et moi qui posions cette question au Seigneur. À quelle fréquence devons-nous pardonner ? Avec notre mentalité mathématique et algébrique, nous mettons une limite à tout. L'amour a une limite, le pardon aussi. Jusqu'à un certain point, je peux pardonner. Mais au-delà de ce niveau, pas plus.

Pierre, en posant la question, avait un idéal de perfection. Pour un bon Juif, sept est le nombre par excellence de la perfection. Ainsi, pardonner sept fois est plus que suffisant. Et pas seulement, cela pourrait signifier un jour à la fois, donc sept jours par semaine. C’est tout à fait judicieux, une bonne action au quotidien pourrait être de pardonner à une personne une fois par jour. Mais alors, si la personne fait plus, devrions-nous nous venger ?

Étonnamment, le Seigneur fixe une autre norme : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois sept fois. » Il s’agit d’un pardon illimité ou infini. Car la miséricorde est un attribut divin. Et ce qui vient de Dieu est sans limite et ne peut être mesuré. Le pardon doit être accordé autant de fois que nécessaire. Ainsi, la parabole donnée par le Seigneur après avoir répondu à Pierre prend tout son sens. Les personnes impitoyables ou dures s’exposent à la fureur divine. Si Dieu qui est tout-puissant et à qui nous devons tout ne se lasse pas de nous pardonner, nous ne devrions pas non plus nous lasser de pardonner à nos semblables.

Si nous réalisons que nous vivons pour les autres et que nous mourons aussi pour les autres, nous ne poserons aucune condition et nous ne nous lasserons pas de pardonner aux autres. Parce que notre vie ne prend son véritable sens qu’à travers eux et pour eux. Sans pardonner aux autres, nous vivons dans l’amertume et empoisonnons toute notre existence. Le pardon est un remède qui nous libère des sentiments ou émotions négatifs qui entretiennent la douleur et peut ainsi nous guérir. Lorsque vous pardonnez, vous donnez la chance à deux personnes de vivre à nouveau et d’être libérées du fardeau de la colère : vous et le fautif. Quand tu refuses de pardonner, tu fais deux prisonniers condamnés à perpétuité. Tout comme le Seigneur, qui bien que ne néglige pas nos péchés, ne se lasse pas de nous pardonner, de même, ne nous lassons pas de pardonner à ceux qui nous font du tort. 


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