De l'Adulation à la Diffamation : Hosanna, Crucifie-le.

24 MARS 2024.
Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur — Année B.

Lectures: Mc 11, 1-10 ; Is 50, 4-7 ; Ps 21 (22), 8-9,17-18a, 19-20, 22c-24a ; Ph 2, 6-11 ; Mc 14, 1 – 15, 47.

« Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Hosanna au plus haut des cieux ! » Mc 11, 10

Un proverbe Kikuyu dit : « Être loué, c’est être ruiné ». Un proverbe Akan ajoute : « C’est un imbécile qui vante le fruit d’un arbre et oublie ses racines. »

L’humanité est émotionnellement orientée. Et nos émotions peuvent changer d’un instant à l’autre. Les philosophes anciens parlaient de la polyvalence ou versatilité humaine, c'est-à-dire de la capacité de passer d'une situation à une autre en un clin d'œil. Dans un certain sens, il s’agit là d’une caractéristique très positive. Le mot polyvalence décrit le fait d’avoir de nombreuses compétences ou qualités différentes. La polyvalence vous permet de vous adapter à de nombreuses situations différentes. Néanmoins, lorsqu'il s'agit de relations émotionnelles et interpersonnelles, être polyvalent, ici disons, la versatilité peut être une chose assez négative avec de forts impacts sur la vie.

Nous entrons aujourd'hui, au centre ou au summum de notre Chemin de Carême, la semaine du Consummatum Est qui se terminera par la Passion et la Mort du Seigneur et nous ouvrira à une Nouvelle Espérance, sa Résurrection. Et une image qui nous est donnée est celle de la façon dont les gens ont traité Jésus, une image de la façon dont nous aussi le traitons quotidiennement. Ils commencèrent la semaine en le hélant avec des branches d'arbres ; mais à la fin de la semaine, c'est à l'arbre qu'il était pendu, apparemment en échec, dans une solitude et une disgrâce totales. Celui qui a été salué avec de grands Hosannas finira par des cris de diffamation : « Crucifiez-le ! » On pourrait être tenté de se demander ce qui a complètement transformé les cris d’adulation en cris de diffamation et de rejet. Que leur a fait Jésus ? La réponse est double : sur l’aspect humain, il s’agit d’incohérence et de polyvalence. Mais d'un point de vue divin, il ne s'agit pas d'un dessein ou d'un plan humain, mais d'une main éternelle et divine à l'œuvre, guidant les événements dans l'accomplissement du plan de salut de Dieu.

Nous ouvrons aujourd'hui la semaine au cours de laquelle toutes choses s'accompliront. Les grands saints l'appellent la semaine du "Consummatum Est". Car, au cours de cette semaine, le Seigneur Jésus consumera son amour passionné pour l’homme. Il poussera le grand cri en mourant sur la Croix : « C'est fini ! » Cela fait référence au paiement intégral de la dette, à l’accomplissement de l’Ancienne Alliance, à l’achèvement du sacrifice et au don complet de soi. (Jean 19,30) Ce que nous célébrons cette semaine pourrait être considéré avant tout comme un point final, puis, par extension, comme la fin à laquelle toutes choses se rapportent, le but, le but. Le but de la vie de Jésus était de mourir pour notre salut. "Voici, cet enfant est destiné à la chute et au relèvement de beaucoup en Israël, et à être un signe qui sera contredit (et toi-même une épée te transpercera) afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient révélées." (Luc 2,34)

« Comment Jérusalem va-t-elle accueillir son Messie ? Alors qu’il s’était toujours dérobé aux tentatives populaires de le faire roi (cf. Jn 6, 15), Jésus choisit le temps et prépare les détails de son entrée messianique dans la ville de "David, son père" (Lc 1, 32 ; cf. Mt 21, 1-11) Il est acclamé comme le fils de David, celui qui apporte le salut ( "Hosanna  veut dire " sauve donc ! ", " donne le salut ! "). Or " Roi de Gloire " (Ps 24, 7-10) entre dans sa Ville " monté sur un ânon " (Za 9, 9) : il ne conquiert pas la Fille de Sion, figure de son Église, par la ruse ni par la violence, mais par l’humilité qui témoigne de la Vérité (cf. Jn 18, 37). C’est pourquoi les sujets de son Royaume, ce jour-là, sont les enfants (cf. Mt 21, 15-16 ; Ps 8, 3) et les " pauvres de Dieu ", qui l’acclament comme les anges l’annonçaient aux bergers (cf. Lc 19, 38 ; 2, 14). Leur acclamation, " Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur " (Ps 118, 26), est reprise par l’Église dans le " Sanctus " de la liturgie eucharistique pour ouvrir le mémorial de la Pâque du Seigneur. » CEC. 559

Après les grandes acclamations et les Hosannas, nous avons assisté à la bénédiction des palmes, et la liturgie de la parole nous plonge dans l'amour passionné et la mort mystérieuse du Fils de l'Homme, le Fils de Dieu.

La vision prophétique d'Isaïe s'accomplit dans l'Évangile. Sans aucune plainte ni rébellion, Jésus fera face à son agonie, sera conduit dans des épreuves, sera condamné injustement sur de faux témoins, portera la croix, fera le voyage jusqu'au Calvaire, sera cloué sur la croix et mourra. Ce faisant, comme le dit saint Paul aux Philippiens, le Seigneur nous a donné une leçon d'humilité, d'obéissance et d'abandon total à la volonté de Dieu. Dans sa passion et sa mort, ce n'est pas une volonté et un projet humain qui s'accomplissent, mais la volonté de Dieu. Dieu accomplit sa volonté en nous montrant à quel point nous pouvons être polyvalents en tant qu’humains.

On nous apprend relativement que souffrance et joie sont intrinsèquement liées et que notre souffrance du moment nous ouvrira à une plus grande joie. Comme le dit le proverbe, « l n’y a pas de gloire sans sacrifice. » Puissions-nous, comme Jésus, entrer dans nos passions quotidiennes et en faire un voyage d'amour, d'obéissance et d'humilité, en acceptant de supporter tous les sacrifices nécessaires pour notre propre glorification future. Il ne faut pas oublier. Ce dimanche est le dimanche de la Passion ; dimanche prochain ce sera le dimanche de Pâques. Aucune larme n'est permanente.


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